Face au flot de commentaires soulevé par les récentes chutes dans les courses professionnelles, il pouvait être intéressant de recueillir l’avis de «Cyclo Saint Avé» composé, on le sait, de pratiquants assidus, compétiteurs dans l’âme, souvent anciens coureurs et dans tous les cas connaisseurs. C’est ce que nous avons fait dans un questionnaire diffusé la semaine dernière.
Merci à ceux qui ont pris un peu de leur temps pour donner leurs avis. La connaissance et l’expertise de ceux qui ont répondu suffisent à dégager des tendances.
Oreillettes, comportements et enjeux financiers sur le podium des causes
- A plus de 60% , les oreillettes sont considérées comme la principale cause de ces accidents. On peut estimer qu’elles nuisent à la concentration et mettent sous pression le coureur contraint d’exécuter des directives dans des situations de courses sans tenir compte de ses propres sensations et de son appréciation du moment.
- La deuxième place revient aux comportements des coureurs. Ils mettent en jeu la responsabilité individuelle mais aussi collective des équipes. La prise de risques inhérente à toute compétition de ce type, semble de plus en plus débridée. Ceci est particulièrement vrai dans les phases de préparation des sprints et dans les sprints eux mêmes. Rester en bonne place ne peut se faire à n’importe quel prix, même si les enjeux financiers et sportifs sont importants.
- La troisième cause est relative aux enjeux financiers. Il est vrai que gérer une équipe professionnelle aujourd’hui nécessite la mobilisation de moyens financiers considérables. Les budgets varient de plus de 50M€ pour Inéos Grenadier par exemple, à environ 10M€ pour les moins dotées. Seules de très grosses entreprises peuvent investir de telles sommes, en sachant que l’unique retour d’investissement est la promotion de la marque et sa notoriété. Inutile de décrire la pression que peuvent subir les dirigeants et les coureurs pour obtenir des résultats, compte tenu des sommes ainsi mises en jeu.
- Il reste au pied du podium des causes, le matériel qui serait trop performant. On peut être plus réservé sur ces causes – Enfin de mon point de vue. Disposer de freins plus puissants me semble plutôt être un gage de sécurité. Par expérience je peux affirmer qu’il y a soixante ans j’allais beaucoup plus vite sur mon vélo en acier de 15 kilogrammes et de 10 vitesses, qu’aujourd’hui sur mon vélo en carbone de 7,8 kilogrammes à 22 vitesses. C’est aussi une question de jambes. Comme pour le pilotage d’une voiture, petite ou puissante, il s’agit de connaître les limites de l’engin et d’en maîtriser la vitesse et les réactions.
Une presque unanimité sur les solutions
Avec près de 77% de préconisations, la suppression des oreillettes, vire largement en tête. Outre une meilleure concentration, leur suppression permettrait aux coureurs de faire valoir leur sens de la course et de la gestion de l’effort. C’est savoir se placer, au bon moment, c’est savoir mesurer l’état de fraicheur des adversaires, c’est savoir consulter ses équipiers, analyser la situation et prendre les bonnes décisions si l’on en a les moyens.
Cette première préconisation est suivie d’assez près (65%), par celle de donner aux arbitres la possibilité de sanctionner immédiatement des comportements dangereux. Concrètement c’est donner aux commissaires le pouvoir de sortir un carton rouge à l’image du foot ou du rugby. Ce pouvoir existe aujourd’hui, il s’agirait de le renforcer et de mieux définir les fautes à ne pas faire et les comportements dangereux.
Trois autres préconisations sont pratiquement à égalité. Il s’agit de supprimer le recueil de données physiologiques en course (FC, watts, VO2…), de limiter les braquets et d’équiper les vélos de feux de frein.
Ce dernier point a la préférence de «La Gazette». On y viendra un jour, en espérant que cela ne s’imposera pas suite à des chutes encore plus graves, voire dramatiques.
JY.LP