Il rêvait d’un double plateau

Double plateau – Photo : ©Apple Keynote

Arrivé à un âge où l’on a tendance à regarder son avenir dans le rétroviseur, cette actualité a réveillé en moi quelques heureux souvenirs…

Jean Yves LE PERSON

Plus de limitation de braquets pour les cadets

La Fédération Française de Cyclisme (FFC) vient de décider la suppression de la limitation des développements pour les catégories filles minimes-cadettes et garçons cadets. (1)

Je n’ai jamais compris les raisons de cette limitation décidée, il y a maintenant quarante ans en 1981 et cela d’autant plus que ma mince expérience des courses cyclistes, acquise pour l’essentiel en minime et cadet montre qu’à l’époque il ne venait à l’esprit de personne de limiter les braquets. Le problème n’était pas tant celui des développements, que celui de l’éventail et de l’échelonnement des rapports que la technique d’alors limitait. Les principes mécaniques sont restés les mêmes, mais l’éventail des développements offerts sur une machine s’est grandement élargi. Ainsi le nombre de vitesses est passé de 10 en 1960, à 22 et même à 24 depuis quelques mois.

Arrivé à un âge où l’on a tendance à regarder son avenir dans le rétroviseur, cette actualité a réveillé en moi quelques heureux souvenirs de mes débuts en compétition. J’ai aussi compris pourquoi «La Gazette» des Cyclos de Saint Avé a déjà consacré quelques six chroniques aux changements de vitesse, qualifiés de dérailleurs ou de boites de vitesses automatiques ou non, censées révolutionner le vélo. L’explication se trouve peut être dans le rêve d’un gosse, haut de ses 10-12 ans.

Photo 1

A cet âge je roulais sur un vélo «demi-course» recomposé et bricolé. Il était équipé de trois vitesses (16-18-20) et d’un seul plateau (48) avec un dérailleur muni d’une seule roulette et d’une fourchette (Voir la photo N°1). Mon rêve de l’époque, mais alors un vrai rêve, forgé par les images d’exploits des Louison Bobet, Anquetil et autres Stablinski ou Darrigade c’était d’avoir un double plateau. Je ne rêvais pas de piloter une Ferrari. Non je rêvais de doubles plateaux actionnés manuellement par une manette qui remontait le long du cadre. Avoir un double plateau s’était pour moi rejoindre le peloton des grands champions.

Quelques années après, à l’été 1962, mon père transforma ce rêve en réalité. Il m’offrit un vélo qui ressemblait un peu à celui de Darrigade. Il était vert, avec des freins Mafac et surtout monté avec un double plateau en acier Stronglight de 45/52 et de 5 pignons à l’arrière,14, 16, 18, 20 et 22. Dans la foulée, en juillet j’ai commencé, sous les couleurs du Vélo Sport Toulonnais (VST), managé par Julou Merviel, à courir en minime (13-14ans) avec mon 52×14. Pas de problème, quand les jambes faisaient trop mal, je tirais sur la manette fixée sur le cadre.

Photo 2

Dépourvue d’indexation il convenait pour la manipuler d’avoir un certain doigté, car il fallait la tirer un peu plus pour amorcer rapidement la montée sur le pignon supérieur, mais tout aussi rapidement la repousser sensiblement pour que la chaine soit bien alignée et ne fasse pas de bruit. Les anciens comprendront. J’avais alors un dérailleur Simplex 5 vitesses fonctionnant avec un ressort cylindrique central. (Voir photo n° 2)

Je me souviens que plein de confiance dans mon petit 45×22, je me suis un matin d’automne attaqué, sans l’autorisation de mes parents, au Mont Faron. Il surplombe Toulon et il me faisait lever les yeux tous les matins en ouvrant les volets de ma chambre. Je me disais que 5 km pour monter là-haut, c’est pas très long, c’est un peu comme si je faisais un grand tour de quartier. Me voilà donc parti,… mais pas pour très longtemps. Dès le premier kilomètre, mes muscles étaient en feu malgré mon «petit» plateau de 45 et mon 22 à l’arrière. Ce fameux mont «où poussent les cailloux» m’a contraint à mettre pied à terre. Le minot que j’étais alors, vexé et honteux ne parla à personne de cette escapade où la glorieuse ascension imaginée se transforma en réelle et pitoyable retraite.

Photo N°3

Deux ans plus tard, j’étais cadet 2ème année, avec l’argent des primes gagnées en 1ère année, j’ai pu m’acheter un nouveau dérailleur, encore un Simplex, mais celui-là fonctionnait selon le principe du parallélogramme déformable comme les Campagnolo, sauf que le brillant aluminium forgé était remplacé par du plastique. Peu importe, c’était un système d’avant-garde. (Voir la photo n°3)

J’ai eu ma revanche cette saison là, en terminant à une honorable et réconfortante 4 ème place derrière les plus costauds de l’époque dont le vainqueur, mon ami Costarmoricain André Le Maguet et cela toujours avec mon 45×22. L’expérience me fait dire que ce développement était surdimensionné pour une montée de 5,5 km à 9,27% de moyenne et une pente maximale dans le premier kilomètre à 11,4%. Pour mémoire et par comparaison, Cadoudal, c’est 1,7 km à 6,2%. 

Pour justifier sa position,  la FFC a notamment argué «qu’apprendre à utiliser son dérailleur est plus bénéfique que limiter son développement». On ne peut qu’être d’accord. Choisir un développement c’est aussi, porter une grande attention à ses sensations, ce qui me fait souvent dire : «Il faut savoir s’écouter pédaler !»

JY.LP

(1) – On notera que la limitation à 7,01 m est maintenue pour les minimes garçons,…alors qu’elle est supprimée pour les filles ?!.


En 1964, en course dans le Mont Faron avec les lunettes de soleil – Article du « Petit Varois »

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