Pédaler sans dormir durant plus de 50 heures d’affilée ne s’improvise pas !
« La Gazette »
Le graal d’une vie de cyclo
Quatre cyclos de Saint Avé seront au départ du prochain Paris-Brest-Paris, qui se déroulera du 20 au 24 août, avec un départ du château de Rambouillet dans les Yvelines (78).
Rappelons que Paris-Brest-Paris (PBP) est une épreuve ouverte aux cyclorandonneurs. Longue de 1 200 km avec plus de 10 000 m de dénivelé positif, elle accueillera cette année quelques 8 000 randonneurs de 60 nationalités différentes, dont 2 500 français. Le PBP, devenu une référence internationale, est une véritable fête mondiale des cyclorandonneurs et on peut rajouter des cyclosportifs. Comme les jeux olympiques, elle se déroule tous les quatre ans.
Le but : en partant de Paris, il faut rallier Brest situé à environ 600km et revenir au point de départ en moins de 90 heures. Pour des raisons de sécurité les départs se font en plusieurs groupes. Les premiers groupes rassembleront les plus rapides, c’est-à-dire ceux qui ambitionnent de faire le parcours en moins de 80 heures. Ils partiront entre 16 heures et 17 heures, le dimanche 20 août. Faut-il préciser que dans ces groupes on y retrouve les quatre cyclos de Saint Avé. Tous, espèrent réaliser l’aller-retour dans des temps compris entre 50h et 60h !…
PBP, c’est pour beaucoup, un peu comme les sorties du dimanche, ce n’est pas une course, il n’y a ni classement, ni podium, mais on aime bien finir dans les premiers et dès lors que la ligne est franchie on est impatient de connaître sa moyenne, de la comparer et de voir son évolution. Se mesurer à l’autre est dans la nature humaine : « Citius – Altius – Fortius» (Plus vite, plus haut, plus fort), la devise olympique est tout à fait incarnée chez bien des participants à ce raid. Cela nous éloigne, un peu de l’esprit randonneur et même si les temps sont mesurés, les organisateurs ont décidé, pour limiter la course aux records et ses éventuels abus, de ne pas homologuer ceux qui réaliseraient l’épreuve en moins de 43 heures et 32 minutes, soit à une vitesse moyenne générale maximale de 28 km/h, arrêts compris. L’esprit AUDAX est bien là.
Tous les participants doivent avant l’épreuve avoir effectué quatre brevets de sélection sur 200, 300, 400 et 600 km, appelés « Brevets de Randonneurs Mondiaux » (1). C’est dire qu’ils se sont préparés et ont démontré leurs capacités à faire 600 km, d’une traite, en général dans un temps compris entre 20h et 24h et cela sans dormir. Le défi sur PBP consiste donc à doubler la mise et à réaliser dans les mêmes conditions une distance 1218km exactement.
Joël GUILLO, et Sébastien QUENTIN, seront les novices de l’équipe, ils auront à apprendre de l’expérience et des savoirs de Marc LECUYER, qui affiche 4 PBP, dont 2 courus avec son père en 1991 et 2015, paternel qui en 2015 prenait le départ pour la 10ème fois, mais ne parvint pas à terminer. Une histoire de famille pour Marc, son record 57h 29mn en 1999. Enfin, Bertrand MERLET est au club le recordman des participations, puisqu’il prendra le départ pour la 9ème fois. Son record 52h 44mn, mais qu’il ne cherchera pas à battre cette année. Puisque l’on parle de record il est à noter que le cyclo de Saint Avé ayant réalisé le meilleur temps sur l’épreuve est Yves JOUBIN. En 1991, il a bouclé l’aller-retour en 48h et 02mn et cela sans dormir. (5ème temps de l’édition 91). Il fait ainsi partie des rares randonneurs mondiaux à se situer sous la barre mythique des 50h. Il a récemment déclaré à «La Gazette» : «Pour mes trois PBP, j’avais décidé de ne pas dormir si possible, j’ai arrêté de boire du café à partir de janvier, la deuxième nuit au contrôle, je mettais ma tête dans une bassine d’eau pour me réveiller.»
Bertrand, quant à lui précisait qu’il avait par le passé fait Paris-Brest-Paris sans dormir, mais qu’il a abandonné cette stratégie après avoir réalisé son meilleur temps l’année où il s’est arrêté à Loudéac durant 4 heures pour dormir durant la seconde nuit. Il procédera encore ainsi cette année.
Pédaler sans dormir durant plus de 50 heures d’affilée ne s’improvise pas. Les brevets sont partie intégrante de la préparation. Ce n’est que depuis 1975, que les organisateurs les ont rendu obligatoires. C’est un gage de sérieux qui limite ainsi les inscriptions farfelues et privilégie les cyclorandonneurs entrainés et qui ont démontré leurs capacités physiques et mentales pour aborder ce chalenge. Outre la préparation physique, ces brevets sont aussi des moments d’apprentissage des savoirs rouler la nuit, des savoirs se nourrir, des savoirs réparer son vélo, des savoirs gérer le temps long, voire des savoirs gérer le sommeil ou plutôt l’absence de sommeil sur 24 heures ou plus.
Si on est prêt sur 600 km, l’est-on sur 1 200km ? C’est quand même passer du simple au double.
Les statistiques sur les épreuves passées montrent que plus d’un partant sur quatre abandonnent ou arrivent hors délais. En 2019, 27,9 % des inscrits ont abandonné ce qui représente 1 790 cyclos. Alors pourquoi ces abandons malgré la préparation imposée ? Outre les aléas de la course (problème mécanique, maladie, chute, épuisement, météo, groupe inadapté à sa condition, erreur stratégique etc.), on constate qu’à partir de 60 ans le taux d’abandon s’accentue sensiblement. C’est normal on sait que l’âge en soi, n’améliore pas la performance. Confère la chronique de «La Gazette» : « Les effets du vieillissement sur la performance».
J’ai par ailleurs été frappé du nombre de photos montrant des randonneurs manifestement épuisés, être endormis n’importe où et notamment sur les bas-côtés de la route et cela sans aucune protection. D’autres témoignages font état d’endormissement sur le vélo et parfois d’hallucinations en particulier la nuit. L’absence ou le manque de sommeil n’est certainement pas étranger à ces phénomènes. C’est ce que nous essaierons de mieux comprendre dans la prochaine chronique, en examinant ce que dit la science au sujet du sommeil et les enseignements que l’on peut en tirer sur sa gestion lors de telles épreuves.
A suivre…/
JY.LP
(1) – Crées en 1921 à l’initiative de l’Audax Club Parisien, ils sont devenus Européens en 1976 et mondiaux en 1983.
- Relire l’expérience de Bertrand et Loïc lors du Paris-Brest-Paris 2015